C'est une notion très présente dans le monde des enchères et parfois mal comprise, surtout par le public.
La qualification de "trésors nationaux" répond à une définition juridique bien précise et ne doit pas être confondue avec des notions proches et notamment les "archives publiques" (voir l'article sur les archives publiques).
La définition juridique des trésors nationaux.
La définition est très large. Elle est codifiée à l'article L.111-1 du Code du patrimoine. Nous pouvons retenir que :
"Sont des trésors nationaux; les biens appartenants aux collections des musées de France (...) les monuments historiques (...); les autres biens faisant partie du domaine public mobilier(...); les autres biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art et de l'archéologie".
Ce dernier point est particulièrement vaste et ne permet pas toujours de déterminer avec certitude, lors notamment d'une vente aux enchères, si un bien risque d'entrer dans le cadre de cette définition.
Il est pourtant parfois crucial de connaître, avant la vente, si un bien risque d'être qualifié de trésor national.
En effet, pour permettre la sortie d'un bien culturel hors de France, ce bien doit bénéficier d'un certificat de libre circulation. Le classement "trésor national" empêche la délivrance de ce certificat. En pratique, l'opérateur de vente fait une demande de certificat d'exportation environ 4 mois avant la vente. Dès lors, il est crucial que l'opérateur de ventes fasse cette demande au moins 4 mois avant la vente, ce qui n'est parfois pas le cas lors de ventes précipitées (voir article : "ARISTOPHIL une première vente décevante")
Bien entendu, tous les biens ne sont pas concernés par cette obligation de certificat.
La loi précise que l'obtention du certificat n'est obligatoire que lorsqu'il s'agit de bien culturels qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique et entrent dans des catégories définies par décret en Conseil d'Etat. Ce décret prévoit 15 catégories qui englobent pratiquement toute création artistique. Il faut noter que le dernier alinéa de la définition des trésors nationaux est très proche de celle donnée pour l'obtention d'un certificat, de telle sorte qu'une qualification de trésor national aura pour conséquence factuelle la refus de délivrance d'un certificat.
D'autres conditions cumulatives doivent être remplies pour imposer l'obtention d'un certificat:
- l'âge des biens en fonction de la catégorie du bien (par exemple, plus de 100 ans pour les livres),
- la valeur des biens, toujours en fonction de la catégorie du bien (par exemple plus de 50.000 € pour les livres)
- le propriétaire du bien: si le vendeur est l'artiste lui-même, alors il n'est pas soumis à l'obligation d'obtention de certificat.
Si l'une de ces conditions n'est pas remplie, alors le bien pourra circuler à l'étranger sans obligation de délivrance d'un certificat.
Depuis la loi du 10 juillet 2000, le certificat est valable sans limitation de temps et "atteste à titre permanent que le bien n'a pas le caractère de trésor national".
Il existe encore un cas ou le certificat est accordé d'office: lorsque le bien est licitement entré en France depuis moins de 50 ans.
Lorsque l'administration envisage le classement, elle doit saisir la "commission consultative des trésors nationaux " composée à parité de représentants de l'Etat et de personnalités qualifiées. Son avis, motivé en fait et en droit, est généralement suivi par le ministre.
Conséquences juridiques et indemnitaires:
Juridiquement, le refus de délivrance de certificat donne la possibilité à l'Etat de faire une proposition d'achat dans les 30 mois, durée pendant laquelle le propriétaire ne pourra pas renouveler sa demande de certificat.
Cette offre d'achat doit tenir compte des prix pratiqués sur le marché international. Si le propriétaire n'accepte pas ce prix, ce dernier sera déterminé par expertise. L'administration aura alors la possibilité d'accepter ce prix et à défaut, le certificat ne pourra plus être refusé, sauf si l'Etat fait procéder au classement (monument historique).
Le classement Monument historique interdit l'exportation de l'oeuvre mais entraine l'indemnisation du propriétaire.
Economiques:
Le refus ou la non obtention d'un certificat de libre circulation a des effets directs sur le produit de la vente: il prive le vendeur des acheteurs internationaux. Dès lors, le propriétaire peut voir la valeur de son bien diminuer d'environ 50% (en fonction de la demande internationale).
L'une des conséquences directes et que l'Etat pourra préempter le bien à moindre coût.
*article du Monde sur le rouleau du Marquis de Sade:
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/03/05/la-bnf-cherche-4-5-millions-d-euros-pour-acquerir-les-120-journees-de-sodome_6072096_4500055.html
2 Responses
Bonjour
un point ne me parait pas clair : si au bout du délai de 30 mois l’Etat, initialement disposé à acheter un bien classé trésor national, ne réussit pas à réunir les fonds, qu’en est il de l’interdiction d’exportation? Est elle maintenue ou tombe-t-elle de facto?
Merci de me préciser la réponse.
Après 30 mois, le refus de certificat ne peut être renouvelé, sauf dans certains cas (comme le classement en archives ou monuments historiques, Art. L111-6 du Code di Patrimoine).
Si une offre de rachat est refusée par le propriétaire, le délai de 30 mois peut être allongé (Art. L212-1 du Code du Patrimoine).
Dans votre cas, si aucune offre d’achat n’est proposée par l’Etat, le bien pourra effectivement bénéficier d’un certificat d’exportation.