La saga juridique continue pour la société Free. Après avoir vu ses frais d’activation jugés contraires aux dispositions du code de la consommation[1] , Free, par un jeu de passe-passe, les a fait réapparaître sous forme de frais de résiliation….

Seulement, c’était sans compter sur la vigilance des juges et leur aversion à l’encontre des les tours de prestidigitation faits aux consommateurs.

Les faits :

Suite à la nullité d’articles contenus dans ses conditions de vente jugés contraires au code de la consommation, Free a procédé à une modification de ces dernières. Elle a notamment inséré des frais de résiliation de 49 € HT.

Un consommateur a saisi la juridiction de proximité afin d’obtenir la condamnation de la société Free au remboursement de ces frais de résiliation dont il s’était acquitté. Les juges du fond ont accueilli cette demande en relevant d’office[2] qu’en application de l’article L. 121-84-7 alinéa 2 du Code de la consommation, le fournisseur de services ne peut facturer au consommateur que les frais correspondants aux coûts qu’il a effectivement supportés au titre de la résiliation.

En cassation[3], la société Free a fait valoir qu’elle n’eût pas été « à même de justifier » que les 49 € qu’elle a réclamés correspondent aux coûts qu’elle a effectivement supportés au titre de la résiliation. Elle affirme également qu’elle s’est conformée aux dispositions du Code de la consommation concernant l’information préalable du consommateur en cas de modifications contractuelles[4].

Solution retenue par la Cour de cassation :

Au sujet de la justification des coûts de résiliation, la Cour de cassation a rappelé que les moyens soulevés d’office par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, non rapportée en l’espèce, avoir été débattus contradictoirement. Ces coûts sont-ils alors vraiment justifiés ? La question reste entière, ce point n’ayant pas fait l’objet d’une véritable étude en première instance.

L’intérêt de l’arrêt réside surtout dans l’appréciation des juges concernant la réalisation des formalités concernant les modifications des conditions contractuelles. La société Free avait informé ses clients des modifications des conditions générales par un courriel rédigé comme suit :

« Nous vous informons qu’à compter du 1er juin 2011, votre forfait Freebox évolue. Vous trouverez à la rubrique « Mon abonnement » de votre interface de gestion, les conditions contractuelles applicables à votre forfait à compter de cette date. Un document détaille les modifications apportées »

Les juges suprêmes ont considéré qu’un tel courriel ne permettait pas au consommateur une parfaite information concernant ces nouveaux frais de résiliation et par là même a jugé inopposables ces nouvelles conditions contractuelles:

« Mais attendu qu’ayant relevé que le courriel adressé en avril 2011 à M. X… ne permettait pas à ce dernier, sauf à se livrer à des recherches sur son interface de gestion, de comprendre qu’à défaut de mettre fin à la relation contractuelle dans un délai de quatre mois, les frais d’activation prévues dans le contrat initial seraient remplacés par des frais de résiliation, la juridiction de proximité en a exactement déduit que la modification contractuelle litigieuse n’était pas opposable à M. X… ; »

Si le considérant ne reprend que les frais de résiliation, il est fort probable qu’une telle solution serait retenue concernant toutes les nouvelles dispositions contractuelles insérées par ce procédé.

Conclusion :

L’information parfaite du consommateur. Tels sont les mots d’ordre en matière de contrats conclus entre un professionnel est un consommateur. Cet arrêt nous en donne encore un parfait exemple. De simples références dirigeant le consommateur vers des modifications contractuelles ne suffisent pas : il faut faire apparaitre ces modifications sans que le consommateur ait à les rechercher.

Une telle rigueur est la bienvenue. Toute modification contractuelle, surtout lorsqu’elle est unilatérale, doit être faite en suivant la même rigueur que celle utilisée lors de la conclusion du contrat initial. Un parallélisme des formes semble indispensable pour tenir le consommateur parfaitement informé.

Cette transparence touche également le prix réellement supporté par le consommateur. Le Code de la consommation limite les tarifs applicables par le professionnel concernant les frais de résiliations. Le consommateur moyen (dans l’esprit des textes) ne s’attachant qu’au prix mensuel de son abonnement, risque de ne prêter que peu attention aux frais annexes. Pour éviter que les fournisseurs ne s’y engouffrent ou que par ce procédé puissent proposer des prix d’abonnement anormalement bas pour capter de façon déloyale les consommateurs, le législateur est venu les encadrer. On pourrait faire un parallèle avec la législation bancaire qui impose, aux fins d’informer au mieux l’emprunteur, l’utilisation d’un indice (le TEG ou TAEG) comprenant le taux d’intérêt ainsi que tous les frais annexes obligatoires. Un tel indice nommé par exemple CEM (Coût Effectif Moyen) en matière d’abonnement internet et qui prendrait en compte tous les frais annexes,, comme les frais de résiliation, permettrait au consommateur de pouvoir comparer facilement le réel coût de chaque abonnement.

 

[1] TGI Paris, 22 mars 2011

[2] Relever d’office : élément non invoqué par les parties, mais « d’office » le juge

[3] Cour de cassation Chambre civile 1, 2 juillet 2014

[4] Art. L. 121-84 du Code de la consommation

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